State of Play
Kevin McDonald
par Helen Faradji
Dans State of Play, désormais édité en DVD par Universal (pour tout bonus : un maigre making-of sans réel intérêt), tout est une question de retour. Retour au cinéma, d’abord, d’une série télé britannique qui s’attachait en 6 heures à dépeindre les ravages de la corruption au sein du parti travailliste de Tony Blair. Mais retour aussi, et surtout, de la figure du journaliste-héros, chevalier sans peur et sans reproche au seul service de la vérité, si prisée dans le cinéma américain des années 70.
Cheveux longs, veste en velours côtelé, whisky dans la poche et veille Saab déglinguée : tout est donc mis en place pour crédibiliser le scribouillard. Et tant pis si Russell Crowe n’a pas l’allure du Robert Redford de All The President’s Men : le mythe fonctionne encore et c’est bien tout ce qui compte. Évidemment, de 1976 à aujourd’hui, les choses ont changé : le complexe militaro-financier régnant sur la reconstruction de l’Irak et de l’Afghanistan ainsi que sur la sécurité intérieure des États-Unis a pris la place du Watergate. Mais le scandale est le même : les élites nous mentent, le monde politico-industriel nous manipule et le journaliste reste notre seul rempart contre ces malversations.
Au moment où se posent toutes sortes de questions sur l’utilité de la presse, sur son véritable rôle et sur ses chances de survie, ce genre de naïveté hollywoodienne pourrait sérieusement agacer. Mais pour son premier tour, – réussi – dans le grand manège du blockbuster, l’écossais Kevin Macdonald (The Last King of Scotland) parvient bien vite à complexifier la donne. Sur un scénario aux rebondissements solides, aux ficelles bien tendues et à la mise en scène aussi réfléchie qu’efficace, il amorce en effet une bien intéressante réflexion sur l’état du journalisme au XXIe siècle, prouvant par ailleurs l’incroyable capacité du cinéma américain à intégrer presque à chaud n’importe quelle pulsation du monde. C’est que notre héros journaliste n’est plus seulement menacé par les magouilles et autres combines de notre monde vicié : le danger vient aussi cette fois de l’intérieur. Des propriétaires de son journal, monstre aux vagues tentacules mais aux moyens de pression et aux connivences bien concrets, mais aussi de l’interne même, et plus particulièrement d’une jeune (talentueuse et jolie, bien sûr, sans quoi ça n’aurait aucun intérêt) bloggueuse que le journaliste bougon et aguerri ne peut s’empêcher de toiser. Elle fait dans l’opinion, l’immédiateté, le sensationnalisme. Il croit en la vérité, la justice, le pouvoir des mots écrits sur du papier. Se contentant d’exposer le problème avec cohérence, plutôt que de totalement s’y plonger, il faut bien le reconnaître, State of Play réussit pourtant à en cerner les données suffisamment justement pour captiver. Du moins jusqu’à sa finale ultra-simplificatrice, laissant le virtuel et l’écrit marcher dans la main, en croyant dur comme fer en des lendemains qui chantent et proclamant à plein poumons, sans vraiment se soucier d’une quelconque vérité : « Alleluia, la presse écrite est sauvée ». Si Hollywood le dit .
3 septembre 2009