Suivre Catherine
Jeanne Crépeau
par Helen Faradji
Février 2002. L’aube sur les toits de Montréal. C’est par cette image pour le moins mélancolique que débute Suivre Catherine, charmante fable initiatique signée Jeanne Crépeau. Une mélancolie que viendra toutefois immédiatement désarçonner un commentaire ludique et léger en voix off de la cinéaste. En quelques secondes, le ton est donné : Suivre Catherine sera anecdotique et profond à la fois, tendre et sans effusion d’un même mouvement.
De quoi s’agit-il au juste? Drôle de petit objet en forme de journal commenté, Suivre Catherine nous fait en réalité partager l’expérience de Crépeau partie à Paris finir une maîtrise sur Doillon et son rapport aux acteurs et hébergée par son amie Catherine, rencontrée à Montréal. En une succession d’instantanés joyeux, la cinéaste s’initie alors aux joies de la vie dans une banlieue communiste, aux déboires d’une étudiante en rédaction, au rythme enrichissant de la vie ensemble. Car son Paris en forme d’expérience sensorielle n’est pas un Paris de carte postale : il vit au diapason des sirènes d’alarme, des pavés qu’on rechausse, des amis avec qui on partage du vin et du fromage. Son Paris est beau, malgré les factures d’électricité exorbitantes, malgré la pollution. Et il est beau, parce que Jeanne Crépeau sait le regarder. S’attarder sur un détail. Capter toute la poésie d’un chat assis sur le rebord d’une fenêtre ou d’un enfant qui s’essaie à la photographie. Se fondre dans une communauté tendre et généreuse. Flâner par le mot et par l’image hors des sentiers battus. Là est son art.
Mêlant le vrai, le faux, l’animation et le réel, l’observation et le commentaire, Suivre Catherine nous ouvre les portes de l’imaginaire de sa réalisatrice. Un imaginaire où il fait franchement bon se balader. Un univers fantaisiste et spontané où chaque événement devient prétexte à une liste à la Perec où à une remarque maligne. Aucune vantardise là-dedans, c’est simplement comme ça que le filtre de son regard agit. Après un an, Jeanne Crépeau aura fini sa maîtrise (dont elle tira d’ailleurs le joli Jouer Ponette, présenté il y a quelques mois) et achevé son voyage. Comme à elle, il nous restera de cette expérience cet adorable souvenir, aussi original que guilleret.
1 mai 2008