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Critiques

Ted

Seth MacFarlane

par Helen Faradji

Pour les amateurs de comédies, c’était un événement. La sortie du premier long de Seth MacFarlane, petit roi de l’humour yankee version petit écran (American Dad, Family Guy, c’était lui) qui, après des années d’exode des plus grands cinéastes vers le format séries (Scorsese et son baroque Boardwalk Empire, Van Sant et Boss, Mann et son clinquant et décevant Luck, Fincher à suivre en 2013…), inversait donc le mouvement en refaisant du long-métrage le format d’expression le plus anoblissant.

Et force est de constater, en regardant Ted, petit phénomène de l’année, que MacFarlane a de sérieux atouts dans sa poche. En tout cas un : celui d’être un nouveau maître de cet art étrange et indéfinissable qu’est le storytelling. Dès les premières minutes de son film, la marque est d’ailleurs faite. John, petit garçon de 8 ans, rêve que l’ours qu’il a reçu à Noël puisse parler. Aussitôt dit, aussitôt exaucé : nounours parle, rit, câline, bouge…. Mais là où d’autres se seraient probablement empêtrés dans l’acte magique, en ne sachant comment en expliciter les conséquences, MacFarlane, homme à tout faire (il est ici scénariste, réalisateur, producteur, doubleur…), place immédiatement Ted sous les feux de la rampe mondiaux, évacuant ensuite assez habilement la nouvelle célébrité du nounours parlant pour nous transporter 25 ans plus tard, une fois les spotlights éteints et la frénésie retombée. Une piste que malheureusement MacFarlane oublie aussitôt (et pourtant, quel prétexte satirique fabuleux elle offrait) pour mieux tournicoter autour des amours contrariés de John (qui préfère passer son temps à fumer du pot avec son cher nounours plutôt que de rester en tête-à-tête avec Mila Kunis, on le comprend), réveillant néanmoins son récit par une arrivée inopinée et inattendue du thriller d’action à la sauce 80’s loin d’être désagréable…

Les années 80…. Voilà en effet la terre, kitsch et fluo, qu’arpente sans s’en cacher l’inoffensif MacFarlane. E.T., Indiana Jones, Flash Gordon, Top Gun, Top Secret, les films familiaux de Disney… tout y est, clin d’oeœil gros comme le bras compris. Et rapidement, la nouvelle importance culturelle de MacFarlane se comprend mieux. Après des années de délire à la Will Ferrell, après le conservatisme et le pathétique des personnages de Judd Apatow, voilà enfin ouverte l’ère du tout-régressif où règnent encore sans partage l’ironie attendrie et la référentialité constante. Voilà enfin le changement de garde entre les X et les Y. Voilà enfin la preuve toute-puissante que l’humour se conjugue plus que parfaitement au temps de l’enfance (dans le genre, il faut ici reconnaître le travail étonnant de Mark Wahlberg). Celle où l’on s’esclaffe de bon coeœur à la moindre joke de pet qui passe.

Et oui, inutile de le cacher, même passé l’âge des couches culottes, tout cela reste drôle. D’un rythme étonnant. Et même original à sa façon. Mais il serait absolument mensonger de vouloir nous faire croire, comme cela a été le cas, qu’il est subversif. Car excepté quelques pieuses grands-mères Amish, on imagine mal Ted, nous refaisant le bon vieux coup de la recette « le bonheur est dans le rang », choquer qui que ce soit. Ses polissonneries ne font pas subterfuge : mariage, boulot sans envergure, amitié, ronron du quotidien porté par un attrait pour le conformisme un peu minable, voilà ce qui compte. Et voilà ce qui rend Ted à peu près aussi inoffensif qu’un ourson en peluche là où on l’attendait, on l’espérait, cinglant (dans le genre, on préférera d’ailleurs l’honnêteté plus assumée et tendre d’I Love You Man, de John Hamburg). Les trentenaires mous du genoux n’ont aucun souci à se faire : ils viennent de trouver en Seth MacFarlane le plus ardent défenseur de leurs désirs étriqués et de leurs valeurs timorées.

La forme avant le fond. Le salace en guise de couverture. Le jupon du tout-mou dépassant sans honte. La flagornerie déguisée. Aucun doute à avoir, Seth MacFarlane sera bel et bien le présentateur idéal pour les prochains Oscar.

La bande-annonce de Ted


13 décembre 2012