The Golden Compass
Chris Weitz
par Gilles Marsolais
La barre était haute pour Chris Weitz (American Pie, About a Boy) lorsqu’il a finalement décidé de s’attaquer à ce projet, après avoir d’abord refusé, tout comme un autre réalisateur pressenti, devant l’énormité de la tâche à accomplir et du dispositif technique requis pour adapter au cinéma le roman touffu de Philip Pullman.
On peut penser que le film fait la somme de tout ce que l’on a pu voir dans la mouvance du fantastique au cours des dernières années, et que Chris Weitz assure, au moyen d’un budget de plus de 150 millions, sans renouveler le genre. Mais, il y a plus, et c’est ce qui fait le charme de cette superproduction, la plus coûteuse des projets du studio New Line, dépassant largement Le Seigneur des Anneaux de Peter Jackson.
Car, on peut véritablement parler de charme ici, dans le sens d’une formule magique, secrète, suscitant l’enchantement plutôt que le tape-à-l’oeil ou l’éblouissement. Chris Weitz a signé lui-même l’adaptation, ce qui explique sans doute que, contrairement à tous les films du genre (heroic fantasy et autres apparentés ou dérivés), le début de The Golden Compass ne traîne pas en longueur pour présenter les divers personnages et exposer la situation. Non! D’entrée de jeu, nous admettons que les animaux de compagnie, comme le chat, peuvent se métamorphoser sous d’autres aspects en fonction de leur intelligence de la situation ou de leur perception du danger imminent, et comme tous les personnages, nous quel beau tour de force! acceptons comme allant de soi cet état de fait, puisque nous y voyons les manifestations de leur âme, l’incarnation de leur voix intérieure, rien de moins. Et ça fonctionne tout du long. Tout aussi promptement sommes-nous confrontés au clan des forces négatives du récit, dont la perfide Marisa Coulter (Nicole Kidman), aussi belle et racée que redoutable, que la jeune Lyra croisera à maintes reprises au cours de sa quête (sauver des enfants kidnappés par la mystérieuse organisation) et démasquera…
À l’opposé de ceux de son espèce, ce film ne souffre donc d’aucun temps mort. Et il ne donne pas non plus la désagréable impression d’une accumulation artificielle de segments de bravoure qui seraient grossièrement rattachés les uns aux autres comme les wagons d’un train de marchandises (et précédés par une poussive locomotive explicative!). Au contraire, il se distingue par l’extraordinaire fluidité de son récit, qui ne s’embourbe pas dans la complexité du roman ni dans son fatras religieux. Tout semble couler de source dans son exploration d’un univers parallèle, nous faisant passer avec grâce d’un espace-temps à un autre au moyen de l’objet de convoitise qu’est cette boussole d’or ornée de figures symboliques vaguement inspirées du Tarot, servant à mesurer la vérité. Aussi, les séquences épiques qu’il nous réserve, opposant par exemple un bataillon de cosaques à une bande d’ours polaires cuirassés, ne cherchent pas tant à valoriser le double exploit technique et technologique qu’elles supposent qu’à se mettre au service de ce récit.
Bref, on a affaire à un film intelligent et sensible qui évite les lourdeurs habituelles du genre (comme un message surligné à la clé), probablement parce que le réalisateur a pu s’impliquer plus que de coutume dans le projet, dès l’étape de la scénarisation. La magie du virtuel (subtil, enfin!) et du montage a fait le reste.
4 décembre 2007