The Homesman
Tommy Lee Jones
par Philippe Gajan
L’argument : en 1855, trois femmes ayant perdu la raison sont chassées de leur village, et confiées à Mary Bee Cuddy (Hilary Swank), une pionnière forte et indépendante originaire du Nebraska. Sur sa route vers l’Iowa, là où ces femmes pourront trouver refuge, elle croise le chemin de Georges Biggs (Tommy Lee Jones), un rustre vagabond qu’elle sauve d’une mort imminente. Ils décident de s’associer afin de faire face, ensemble, à la rudesse et aux dangers qui sévissent dans les vastes étendues de la Frontière.
Très beau bien sûr, puisque habité par les paysages fordiens du wild wild west, superbement interprété forcément puisque Tommy Lee Jones et Hilary Swank, The Homesman est un western classique (voire conventionnel) dans sa forme. Un film sans doute bien sous tout rapport mais qui, pour tout dire, n’est que cela. Car pour s’élever au-delà du tout venant et créer l’évènement, The Homesman aurait du (aurait pu) être beaucoup plus, ce que d’ailleurs sa promotion semblait vouloir nous faire croire.
Car cette entrée américaine au dernier festival de Cannes, seconde réalisation au cinéma de Tommy Lee Jones (après The Three Burials of Melquiades Estrada, la belle surprise qu’il nous réservait il y a neuf ans déjà) affichait l’ambition de renouveler le genre, plus particulièrement en s’affichant comme féministe (ou tout au moins comme un western au féminin) et comme pourfendeur du mythe de la conquête de l’Ouest, mythe constitutif de l’Amérique, la vraie. Tout un programme…
Et de fait, les éléments scénaristiques sont bien en place : trois femmes rendues folles par la vie de pionnier, une femme qui prend sur elle (un peu forcée quand même) de les ramener vers la civilisation… Certes le western (classique) ne nous a pas souvent habitué à de telles présences féminines. Pourtant n’est pas Nicholas Ray (le génial duo que forment en 1954 Joan Crawford et Mercedes McCambridge dans Johnny Guitar) ou encore Fritz Lang (la grande Marlene Dietrich dans Rancho Notorious en 1952) qui veut. Car le cinéaste/acteur ne creuse guère sa prémisse, il se contente de poser le problème mais ne le fait pas évoluer (et ce en dépit des pirouettes scénaristiques qui émaillent le film). Et on le ressent particulièrement dans le manque d’épaisseur des personnages. Ici, on constate, point à la ligne. Rien n’est dit par exemple sur ce qui précède, sur ce qui a mené à cette violence subie par ces femmes brisées. Quant à Hilary Swank, très bien dans les circonstances, elle n’est pas forcément gâtée par un rôle où elle endosse successivement les habits de vieille fille puritaine en quête du mari à soumettre et celui de l’héroïne tragique, sans que la métamorphose soit particulièrement convaincante ni même subtile.
Quant à l’envers du mythe… Clint Eastwood dans l’immense Unforgiven en 1992 se situait délibérément à la frontière du mythe pour pouvoir mieux l’affronter. Tommy Lee Jones ne fait que lui tourner le dos, ce qui est un peu juste. Dans The Homesman, l’opposition Hilary Swank / Tommy Lee Jones, par trop archétypale, suit une trajectoire classique d’apprivoisement, ce qui ne surprend guère et qui ne parvient finalement pas à égratigner qui ou quoi que ce soit.
Voilà donc un western inoffensif, sans épaisseur, qui en aucun cas ne fait bouger les lignes de front. Et de fait, après avoir quitté la salle, peu de choses s’impriment. C’est d’autant plus triste que ces dernières années n’ont finalement pas été avares en westerns plus consistants. The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford, le western élégiaque d’Andrew Dominik en fait foi. Mais c’est surtout le Meek’s Cutoff de Kelly Reichardt que The Homesman donne envie de voir et de revoir. Un western au féminin, féministe et réalisé par une femme, qui est tout ce que n’est pas le film de Tommy Lee Jones, à commencer par être un film formidable fait pour nous hanter longtemps.
La bande-annonce de The Homesman
4 Décembre 2014