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Critiques

The Host

Bong Joon-ho

par Helen Faradji

Les Américains l’ont fait mille fois : un monstre surgi d’on ne sait où vient perturber le ronron tranquille d’une société bien souvent aseptisée, forcée par l’entremise de la bestiole d’affronter ses propres démons. La recette est archi-connue. Et voilà bien ce qui étonne dans The Host, nouvel opus du cinéaste sud-coréen Bong Joon-ho présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2006. Chacun des plans de son film n’en finit plus de surprendre.

Certes, il y aura bien une sorte d’Alien aquatique tapie dans les profondeurs de la rivière Han à Séoul. Certes encore, il y aura un héros, bêta et lourdaud, mais bravant tous les dangers pour récupérer sa fillette enlevée par le monstre. Certes enfin, la police, les militaires et les scientifiques ne seront pas nécessairement les meilleurs alliés pour lutter contre la chose. Mais il y aura aussi d’autres choses. Beaucoup d’autres choses. Comme une tante championne de tir à l’arc, un tonton chômeur et amer, un grand-père aimé, des soupes en boîte ou une « invasion » humanitaire des États-Unis…

S’amusant à prendre à rebrousse-poil chacune des conventions du genre, Bong Joon-ho multiplie alors les brisures de ton, parsemant l’horreur pure d’un comique de slapstick et d’une gifle satirique et politique assénée à la face de l’arrogance américaine. Le projet était périlleux tant il aurait pu virer à l’exercice vaniteux de l’auteur se servant de son film pour montrer ses 1001 habiletés. Mais il n’en est rien. Livrant sa vision angoissée et lucide d’une société de laissés-pour-compte qui ne saurait compter que sur elle-même pour s’en sortir, c’est plutôt avec brio que The Host parvient à garder une unité absolument palpitante, nous faisant chavirer avec lui à chaque virage inattendu qu’il se permet de prendre.

Peut-être grâce à cette mise en scène diablement intelligente, tissant dans chaque plan, même les plus absurdes, une dynamique claustrophobe et inquiétante? Peut-être encore grâce au sens du cadre et du montage de Bong Joon-ho, empathique et poétique? Peut-être enfin par son sens du spectacle maîtrisé mais ne l’emportant pas une seconde sur son sens du réel et du quotidien (un mélange qu’il avait déjà pratiqué avec bonheur dans Memories of Murder)? Probablement un peu de tout ça. Une chose reste pourtant sans aucun doute au final : The Host, au-delà du film de monstres original et bien-fichu, est surtout un film extrêmement brillant.

 


26 juillet 2007