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Critiques

The Pirates! Band of Misfists

Peter Lord

par Damien Detcheberry

Derrière Pirates! Bande de nuls, ce titre français d’une séduction redoutable, se cache le dernier-né des productions Aardman, le sympathique studio britannique qui s’est rendu célèbre à la fin des années quatre-vingt par une double prouesse : celle de faire passer de la pâte à modeler pour du fromage, et le cheddar pour un fromage succulent (A Grand Day Out, 1989). Depuis ces premières aventures de Wallace et Gromit, Aardman perpétue contre vents et marées l’art méticuleux de l’animation en pâte à modeler, ce qui, à l’heure du tout numérique, constitue la plus anachronique des prouesses. Mais ce n’est heureusement pas là le seul atout du studio. Si chaque projet met plusieurs années à prendre forme, les œuvres griffées Aardman font surtout mouche grâce à un savant mélange de maestria technique et d’humour décalé, de fantaisie débridée et d’Aventures, avec un grand A.

Réalisé par Peter Lord (Chicken Run), Pirates ! Bande de nuls ne déroge pas à la règle, et s’avère plus proche de l’esprit des Monty Pythons et de la mythique série de jeux Monkey Island que de Pirates des Caraïbes. Hugh Grant prête sa voix au Capitaine Pirate, calamiteux loup de mer affublé d’un équipage de bras cassés et de jambes de bois, dont l’enthousiasme débordant compense difficilement le manque d’aptitude à la chose marine. Le Capitaine rêve pourtant de battre ses rivaux – de vraies terreurs des mers – en remportant le prestigieux prix du pirate de l’année, décerné à celui qui amassera les plus beaux trésors et sèmera la panique dans les cinq océans.

Si les enfants sont clairement visés par ces folles expéditions maritimes, qui les entraîneront des lagons caribéens aux abords brumeux de l’Angleterre victorienne, les multiples références historiques sont clairement destinées à ne pas laisser les adultes en reste. Les pirates croiseront ainsi sur leur route, entre autres, Charles Darwin en personne, moins préoccupé par la théorie de l’évolution que par sa malchanceuse libido, la Reine Victoria aux formes étonnement rebondies – le terme « empâté » conviendrait plus ici – le dernier des dodos, et un roi des pirates ressemblant à s’y méprendre à Elvis.

Ces aventures donnent surtout envie de se replonger dans l’univers poétique qu’ont créé Nick Park et Peter Lord, avec un peu de pâte et beaucoup d’idées. Parmi tous les courts et les longs produits par le studio depuis vingt ans, chacun y trouvera assurément son trésor, comme l’extraordinaire Creature Comfort, qui remporta l’Oscar du meilleur court métrage en 1989, et qui se laisse revoir aujourd’hui avec autant de bonheur qu’à l’époque. Pirates ! Bande de nuls rassurera donc les amateurs : le petit navire Aardman n’a pas viré de bord, et navigue toujours en père peinard au milieu des grosses productions Disney, Dreamworks et Pixar, avec le même humour malin qui amusera les enfants, mais permettra aussi aux adultes de prendre leur pied… Marin, évidemment.

La bande-annonce de The Pirates! Band of Misfits


26 avril 2012