The Wrestler
Darren Aronofsky
par Bruno Dequen
En septembre dernier, le Lion d’Or que le Festival de Venise décernait à The Wrestler annonçait, avant même la sortie officielle du film, un double retour en grâce. Celui de Mickey Rourke, bien sûr, qui revenait ainsi à l’avant-scène après plus de quinze ans de seconds rôles douteux dans des films peu recommandables. Mais aussi celui de Darren Aronofsky, qui avait connu avec son film précédent, The Fountain, un échec critique cuisant qui semblait sanctionner une démarche de cinéaste fondée sur une surenchère stylistique parfois ou même toujours, diront ses détracteurs disproportionnée.
D’un certain point de vue, le succès vénitien peut être vu comme la chronique d’un come-back annoncé. Car The Wrestler est un film évident. Évidence du casting, bien sûr, puisque le choix de Mickey Rourke dans le rôle d’un sympathique lutteur vieillissant nommé Randy The Ram’ Robinson s’imposait comme l’une des plus parfaites symbioses entre acteur et personnage qu’il est possible d’imaginer (Rourke ayant, on le sait, tâté du ring durant ses années noires). Mais aussi évidence de la mise en scène, dont l’apparente sobriété pseudo-documentaire permettait à Aronofsky d’atteindre trois objectifs : mettre en valeur la présence de son interprète, affirmer sa propre capacité de changement en tant que réalisateur et se placer dans la lignée d’un certain cinéma américain social des années 70 passionné par les figures de marginaux.
Or, cette évidence dont le film fait preuve est à double tranchant. Si la performance de Rourke confirme toutes les attentes générées par un tel casting, la démarche d’Aronofsky est, quant à elle, beaucoup plus discutable. En effet, derrière le vernis d’une nouvelle sobriété se cache toujours le cinéaste calculateur et amateur de sensations fortes et de démonstrations lourdes. De l’excès de violence de certaines scènes (un combat à coups d’agrafeuse vient en tête) aux parallèles thématiques plus qu’appuyés (les références christiques, les deux femmes, les deux corps martyrisés), le film fait rarement preuve de subtilité (après avoir été transpercé lors d’un combat puis boucher dans une épicerie, a-t-on vraiment besoin d’entendre Randy se décrire comme « un vieux morceau de viande brisé »?). Tout au long du film, on peut ainsi sentir la lourde patte d’un cinéaste qui calcule beaucoup trop ses effets pour être sincère.
Mais les limites et les maladresses d’Aronofsky ne peuvent rien face à une performance comme celle de Rourke. Entre masochisme physique, délicatesse hésitante et tourments intérieurs, ce dernier impose un personnage inoubliable qui réalise parfaitement l’ambition du titre du film. Avec son pantalon vert et ses cheveux longs peroxydés, Randy The Ram’ n’est pas qu’un lutteur ; il sera pour toujours LE lutteur de notre cinéphilie. Et c’est grâce à ce personnage que le film entre dans le panthéon des grands films américains.
22 avril 2009