Toi
François Delisle
par Juliette Ruer
L’expérience n’est pas agréable, mais on peut en parler. TOI est le genre de film sur lequel il n’est pas déplaisant de discuter. Durant le visionnement, pas question d’analyse, on prend le seau d’eau en pleine face. On en sort emballé ou agacé. Le troisième long métrage de François Delisle (le bonheur est une chanson triste) est si âpre qu’il n’y a même pas de place pour un soupir.
En repensant au film, en regardant l’affiche aussi, très belle, on pense un peu à Michel Deville, à Pialat, dans les coins sombres de leur oeuvre, et surtout au Zulawski des années 80. La force de TOI réside donc dans ce parti pris d’essentiel. Et là réside également sa faiblesse.
Voici le portrait d’une femme en quête d’absolu qui va sombrer. Une tragédie où le désespoir d’un individu entraîne son entourage dans sa chute. Maris, amant et enfant et le spectateur dans une certaine mesure – sont dans l’il du cyclone. Personne n’en sort indemne. Un portrait en noir et grège où les acteurs sont des purs sangs : Anne Marie Cadieux qui semble souffrir à chaque inspiration, aspire la générosité de son amant (Marc Béland), déclenche la violence d’un époux calme (Laurent Lucas) et déroute un enfant. Tous impeccables et à cran. Seule une voix, anglaise, au bout du téléphone, semble ne rien craindre.
Pas de laisser-aller dans cette uvre, on va au plus radical, dans le cadre et dans le montage; dans la chair, dans les affrontements, dans le langage gestuel, dans chaque vêtement, dans la couleur des murs comme dans les bruits de la ville, persistants comme un mal de tête. Les dialogues sont plats, le quotidien est oppressant, le sexe est triste. Bref, tout va mal.
Delisle ne filme pas le mal de vivre, mais ses symptômes. Le parti pris n’offre ici rien de nouveau dans l’angle, mais pousse si fort dans l’aridité que l’on ne voit plus que la carcasse. C’est le squelette du spleen, exagérément exposé, mis à nu, presque hyper réaliste, dans tous ses moindres ossements et sans rien de temporel. Ceux qui embarquent vont saisir l’humanité qui s’y accroche peut-être. Les autres n’y verront que du vide.
30 août 2007