Critiques

Volver

Pedro Almodovar

par Helen Faradji

Rares sont les cinéastes a avoir su observer les femmes avec une délicatesse proche de l’adoration tout en maintenant une frontalité sans fausse pudeur. En 1939, dans The Women, George Cukor s’était amusé à l’exercice du portrait de femmes avec un humour et une férocité hors du commun. Mais il faut le reconnaître, il n’y a aujourd’hui que Pedro Almodovar pour savoir si joliment se frotter à l’éternel féminin.

Volver, prix du scénario et d’interprétation à l’ensemble de sa distribution féminine au festival de Cannes 2006, est de cet acabit. Film de retour (à la comédie, aux femmes, à la maison, à ses actrices, comme Carmen Maura absente du cinéma d’Almodovar depuis Matador en 1986), Volver est également un film d’équilibre, trouvant, quelque part entre la comédie et le drame, entre le réalisme et le fantastique, un point d’achoppement particulièrement confortable.

Chronique générationnelle, le film plonge dans les quartiers populaires de Madrid pour accompagner son héroïne Raimunda (Pénélope Cruz, jamais aussi bien dirigée que chez le cinéaste espagnol), sa sœur Sole (Lola Duenas) et sa fille Paula dans leur deuil de la tante Paula et celui, plus ancien, de leur mère Irène (Maura).

Articulé autour de thèmes traditionnels chez Almodovar, – la maternité, la mort, la solidarité de la communauté, les superstitions -, Volver est également parsemé de ces effets de style subtils et nuancés qui font tout le sel de son cinéma. Ici, ce seront une plongée poétique sur une tache de sang imbibant un buvard, un plan sensuel sur les yeux embués de larmes de Cruz ou un regard quasi-charnel sur des légumes du marché qui planteront le décor pour nous avec grâce. Pourtant, bien que ludique, colorée et chaleureuse, la mise en scène d’Almodovar apparaît également plus sereine, plus calme.

Peut-être est-ce d’ailleurs à cette sorte d’apaisement qu’il faut imputer  ce léger défaut de caractère qui semble embarrasser le film. Manquant parfois un peu d’épaisseur, Volver semble en effet quelque peu laisser échapper cette énergie théâtrale, cette profondeur dramatique que révélaient Tout sur ma mère ou La mauvaise éducation. Comme si un feu s’était éteint. Comme si la Movida avait maintenant définitivement fermé ses portes. Comme si la sagesse, telle une maladie, avait frappé.

 


5 avril 2007