Where in the World is Osama Bin Laden?
Morgan Spurlock
par Helen Faradji
« Vous faites un bien piètre Michael Moore ». En faisant prononcer ces mots à un de ses personnages dans La moitié gauche du frigo, Philippe Falardeau ne se doutait probablement pas de leur future pertinence au sujet du nouveau documentaire de Morgan Spurlock, Where in the world is Osama Bin Laden? Mais à regarder ce succédané, aucun doute possible : Spurlock, qui avait amusé et réveillé quelques consciences avec son précédent Super Size Me (sur les ravages du McDo), vient de faire pire que le manipulateur en chef Moore. Dieu sait que la barre n’était pourtant pas si haute.
Mélangeant allégrement tous les ingrédients de l’info-spectacle (animations cheap, infographies de jeux vidéo déplacées et sensationnalistes, chansons ironiques au pouvoir subversif d’une carotte), Spurlock se paye en réalité le voyage du siècle au frais de la princesse. Égypte, Maroc, Israël, Jordanie, Arabie Saoudite et bien sûr Afghanistan et Pakistan, le documentariste part donc à la recherche de l’ennemi public mondial numéro 1, alors qu’au pays, sa femme est sur le point d’accoucher. Dernier élément coché : le human interest, si cher à nos médias, tiendra lui aussi sa place dans la démonstration
Avec condescendance et en ne nous épargnant aucun cliché, Spurlock arpente alors ces territoires en en passant les enjeux complexes dans le shaker d’une pop culture indigente par une multiplicité de commentaires insipides et de questions bêtasses, réduisant tout esprit critique à peau de chagrin. Dans les montagnes séparant l’Afghanistan du Pakistan, il organisera même un « clou du spectacle » particulièrement effarant, avec coucher de soleil au loin, drapeau yankee claquant au vent, musique de suspense et action à l’américaine pur jus.
Entre le vrai et le faux, rendu « sexy » par un second degré systématiquement entretenu, quelques images bien réelles réaffirmeront néanmoins leur puissance. Comme celles d’une école en ruine, 8h après avoir été bombardée près de la bande de Gaza. Ou celles d’archives d’attentats. Là, il n’y a plus de documentaire, mais de l’indécence.
Comme si cela ne suffisait pas, Spurlock terminera son condensé 101 de géo-politique mondiale sur ces paroles christiques : tous les musulmans ne sont pas des terroristes, il faut prendre du recul, puisque dans le fond, nous sommes tous pareils. Pour emprunter à l’Amérique une de ses expressions les plus sympathiques : duhh.
28 août 2008