Youth Without Youth
Francis Ford Coppola
par Helen Faradji
Francis Ford Coppola est un cinéaste passionnant. D’aventures échevelées en drames plus intimistes, de recherches audio-visuelles en sommes sur la guerre ou la Mafia, l’homme de 66 ans a dessiné les contours d’une carrière imprévisible, attachante et spectaculaire. Alors, imaginez l’impatience devant ce Youth Without Youth, premier film en 10 ans nous arrivant de la plus jolie barbe du cinéma américain.
Adapté du roman de l’auteur roumain Mircea Eliade, Youth Without Youth voyait son potentiel de séduction d’autant décuplé qu’il faisait la somme des grandes obsessions du cinéma de son réalisateur : le temps, flou et insaisissable, la quête d’un au-delà meilleur, la soif absolue de connaissances, la jeunesse en abordant le destin étrange d’un vieux professeur de linguistique (Tim Roth, polaire) frappé par la foudre en 1938 et qui voit cet accident lui redonner fort concrètement sa jeunesse. Et autant le dire, les questions que soulève le film sont absolument captivantes : qu’est-ce qui fait l’identité d’un homme? Son apparence, son âge, sa langue, sa culture? Que faire du temps au cinéma? Comment l’emprisonner le temps d’une projection? Est-il possible de témoigner de l’origine du monde? Peut-on espérer que l’homme change?
Matinées à la fois d’Heidegger et de St-Augustin, ces réflexions ambitieuses traversent le film sans jamais le transformer en grand pensum philosophique. Et c’est peut-être le problème. Car c’est avec une naïveté, retrouvée semble-t-il (celle-là même dont Coppola infusait One from the Heart ou Rumble Fish), que le cinéaste trifouille dans cette mare aux idées en hésitant à chaque plan entre le fantastique, le mélo ou encore l’aventure historique à la Indiana Jones. Oh, bien sûr, chaque plan travaillé avec une rigueur obsessive quasi-délirante est un objet d’admiration absolue. Entre le maniérisme et le baroque, Coppola réaffirme la puissance d’expression des images et des couleurs avec la fougue d’un jeune cinéaste découvrant le cinéma, sachant pertinemment qu’avant lui, le cinéma a déjà tellement dit. C’est admirable.
Mais à tellement se concentrer sur ses images, sur leur plasticité, à tellement vouloir transcender son récit par de grandes interrogations, à tellement prendre des détours tarabiscotés pour les aborder, le film en oublie justement sa propre histoire. Froide, bloquant tout mécanisme d’identification, cette dernière ne parvient jamais à tendre son fil rouge, égarée dans un rythme flottant et sans prise. Et nous, spectateurs, nous retrouvons pensifs mais aussi mélancoliques devant cette oeuvre qu’on aurait tant voulue majeure.
17 janvier 2008