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Entrevues

DEUX FEMMES EN OR – ENTRETIEN AVEC CATHERINE LÉGER

par Sophie Pouliot

Catherine Léger prête sa plume à la fois désopilante et impitoyable tant à la scène qu’aux grand et petit écrans. La dramaturge a signé plusieurs pièces qui ont marqué le théâtre québécois des dernières années, telles Filles en liberté ou Babysitter, dont elle a d’ailleurs tiré une adaptation cinématographique, réalisée par Monia Chokri. La scénariste, à qui l’on doit Charlotte a du fun (récompensé d’un prix Écrans canadiens dans la catégorie du meilleur scénario original) et La déesse des mouches à feu (à partir du roman de Geneviève Pettersen), planche actuellement sur une nouvelle mouture au cinéma de Deux femmes en or..., le célèbre film de Claude Fournier, qui nous a quitté récemment. Au préalable, Catherine Léger a créé une version scénique de son projet, qui sera présentée dès le 18 avril au Théâtre La Licorne. Rencontre avec une artiste qui conjugue brillamment lucidité, humour et irrévérence.

À votre avis, une œuvre doit-elle posséder une valeur intrinsèque pour pouvoir être adaptée, que ce soit dans sa discipline artistique d’origine ou dans une autre ? Si oui, en quoi consiste à vos yeux celle de Deux femmes en or ?

Je pense qu’il faut aimer profondément une œuvre pour vouloir l’adapter. Je ne crois pas qu’on l’adapte pour la réparer, mais parce qu’elle apporte une matière première qui sera plus forte ou du moins aussi forte qu’une matière première qu’on pourrait essayer de trouver par soi-même. Mon désir de donner une nouvelle vie à Deux femmes en or a toujours été nourri par ma conviction que son propos et ses personnages sont hyper puissants. J’ai voulu transposer le film au théâtre en sachant très bien que ce que j’y amènerais, en plus des personnages, serait surtout de l’ordre de l’idée, du concept. Or, maintenant que la version dramaturgique est terminée, je travaille à une adaptation scénaristique de cette œuvre qui renaîtra en un nouveau long métrage ; je replonge donc dans le film avec la possibilité d’aller puiser davantage dans sa recherche visuelle – qui est très riche – et dans ses lignes de dialogues. L’idée de l’adapter 50 ans plus tard et que l’action se passe 50 ans plus tard ne change pas le fait que toute cette matière fourmille dans l’œuvre originale. Pour moi, elle a une grande valeur. Elle en a une en ce qui concerne le concept, que j’ai pu importer au théâtre, mais elle en a une, de plus, que je peux faire revivre au cinéma, dans son esthétique, dans ses personnages secondaires, mais aussi dans sa structure, qui est beaucoup plus jazzée, beaucoup plus « lousse », qui ressemble bien plus aux films des années 1970 qu’à ceux de notre époque. Ça permet d’ailleurs de constater à quel point, aujourd’hui, on a des films plus rigides dans leur structure. Ça me pousse à favoriser une plus grande ouverture dans la construction du scénario. 

Pouvez-vous en dire davantage quant à l’intérêt que présente à vos yeux le « concept » de Deux femmes en or ?

D’abord, il y a beaucoup moins de films qui s’intéressent à la sexualité des femmes du point de vue du désir féminin que de films qui s’y intéressent du point de vue des drames lui sont reliés, qu’il s’agisse d’agressions, de viols, de grossesses non désirées, de filles qui ont eu un enfant trop jeunes, de l’avortement. On a beaucoup de films comme ça. Par contre, des œuvres cinématographiques qui explorent de manière positive le plaisir féminin, qui sont exempts de toute culpabilité, qui proclament que les femmes peuvent avoir du plaisir sexuellement et que ça peut être rigolo, qui optent pour la comédie, c’est très rare. Le point de vue narratif de Deux femmes en or est celui des héroïnes. Ce sont des femmes au foyer, qui s’ennuient, l’une est plus naïve, l’autre, plus sarcastique, mais elles sont connectées à leur envie de plaisir et vont chercher ce plaisir… sans être punies au bout du compte. Il y a quelque chose de très beau là-dedans, et, pour moi, de très féministe, en fait. On est à une époque cruciale : c’est fabuleux ce qui se passe en ce qui concerne les dénonciations. Il y a une affirmation des femmes lorsqu’on dit : on va refuser les abus, on va refuser les blagues de « mononcles », on va refuser plusieurs choses. Mais tout en disant « Voici ce qu’on refuse ! », il me semble important de dire aussi « Voici ce qu’on embrasse ! ». Vit-on dans une société plus stricte en ce qui concerne les mœurs sexuelles que ne l’était celle des années 1970 ? Je ne suis pas historienne, mais je pense tout de même qu’il y a quelque chose d’un peu plus rigide dans les œuvres de fiction contemporaines. On veut être tellement sûrs de ne pas utiliser la sexualité de manière gratuite que cela fait en sorte, à mon avis, qu’il y a une perte en ce qui a trait à la force érotique dans l’art.

Alors que, un demi-siècle plus tard, bien des choses, justement, se sont passées, tant sur le plan social que sur le plan artistique, en quoi estimez-vous que cette œuvre soit toujours pertinente ?

Parlons d’abord du modèle familial : il continue d’y avoir une certaine pression sur les femmes pour qu’elles maintiennent la famille ensemble. On a encore des discussions sur le fait qu’une mère ne peut pas briser la famille pour la simple raison qu’elle a envie de passer à autre chose. Ce cadre-là existe toujours. C’est ce que j’ai eu envie d’explorer, j’ai voulu donner la parole à ces femmes. Dans mon adaptation théâtrale, les personnages principaux ne sont pas des femmes au foyer, elles sont plutôt en arrêt de travail. La première a fait une dépression et a du mal à retourner travailler. Elle commence à remettre en question son usage d’antidépresseurs et toute cette idéologie du bonheur selon laquelle il faut réussir sa vie pour être heureux. Et elle se rend compte que lorsqu’elle accepte qu’elle ne réussit pas sa vie, elle se sent un peu mieux. Elle renoue donc avec une certaine forme de délinquance. Ce n’est pas parce qu’il n’y a plus la même pression sociale qu’auparavant (on peut se séparer, divorcer, et personne n’en sera choqué) qu’il n’y a plus de pression du tout. On a intégré quel est le chemin de la réussite, ce qui est mieux pour les enfants (la stabilité) et ainsi que suite. Or, on ne veut pas échouer. C’est par cet angle-là que j’aborde le récit. L’autre femme, quant à elle, est à la fin de son congé de maternité et le retour de la libido s’avère compliqué après l’allaitement. Elle explore donc ce qui reste d’un couple quand bébé a déjà quelques mois.

Il y a d’ailleurs tout un discours sur la santé mentale et la médicamentation que vous avez greffé à l’œuvre originale. En quoi cela s’y intégrait-il bien selon vous ?

Ce qui fonctionne dans le film, c’est que ces femmes-là s’ennuient. Elles se sentent délaissées par leurs maris et ont des besoins qui ne sont pas comblés. L’époque fait en sorte qu’elles essaient de se gâter avec une belle maison de banlieue, et cette vie idéalisée est, à mon avis, le mirage de cette ère. Dans la version contemporaine, on a des femmes blasées, dont les désirs ne sont pas, non plus, assouvis… Comment gère-t-on cela aujourd’hui ? Oui, il y a toujours la consommation (si on commande un meuble sur Wayfair, notre semaine sera sauvée), mais il y a aussi la prise de médicaments. Adapter Deux femmes en or imposait de se demander pourquoi certaines femmes s’emmerdent à la maison de nos jours et comment ça se passe. Mais n’oublions pas que ça reste une comédie. Si les gens viennent voir la pièce en s’attendant à une réflexion documentaire sur les antidépresseurs… ce n’est pas ça ! Je fais des blagues à ce sujet, ce qui implique de la surenchère ainsi qu’une bonne dose de pensée magique de la part des personnages.

Cet ajout vous permet donc aussi d’aborder l’un des thèmes récurrents de vos œuvres, soit la quête du bonheur.

C’est exactement ça : pour moi, dans le film original, la quête du bonheur passe par la belle maison de banlieue. Les femmes devraient avoir « tout ce qu’elles veulent ». Le couple formé de Violette et Bob gagne même le prix de la plus belle maison de Brossard. C’est comme si on n’avait pas le droit d’être insatisfaits, comme si on vivait très mal avec un certain niveau de malheur ou d’anxiété. Pour moi, cet enjeu était très important dans l’adaptation. D’une part, celle qui ne va pas bien prend des antidépresseurs parce qu’il faut aller bien ; d’autre part, pour la jeune maman, il n’est pas évident de nommer qu’il est difficile d’avoir un enfant, que ce n’est pas juste merveilleux, qu’elle y a laissé une partie d’elle-même qu’elle a envie de retrouver.

Jusqu’où vous êtes-vous accordé de la liberté dans l’adaptation du scénario de Claude Fournier et Marie-José Raymond ? Y a-t-il certaines limites au-delà desquelles vous auriez craint de le dénaturer ?

Il y avait deux enjeux majeurs dont il fallait tenir compte : le fait de changer d’époque et celui de changer de forme, soit de passer du cinéma au théâtre. Ces deux facteurs ont fait en sorte que je n’avais pas le choix de prendre énormément de libertés. Beaucoup de choses étaient possibles dans le film… que je ne pouvais pas faire au théâtre. Il y avait notamment une simplicité en ce qui concerne la séduction sexuelle dans Deux femmes en or ; elle passait par un jeu de regards, par une bretelle descendue, puis le comédien, que ce soit Gilles Latulippe ou un autre, entrait dans la dynamique. Il y avait quelques lignes très comiques, quelques mimiques et la scène était bouclée. Au théâtre, le jeu de séduction passe par le dialogue. C’est la même chose pour les personnages : ils ne se construisent pas par des blagues visuelles (une image d’un homme dans son camion, dans son échelle…), mais par ce qu’il nous dira de lui-même. Il a beau, sur scène, avoir un costume, on n’a pas toute la force visuelle du laitier qui débarque de son véhicule, par exemple. Il a fallu travailler tout ça autrement. Il y a d’ailleurs moins de sexe dans la pièce, et le processus de transformation des personnages féminins, au début, est plus long.

Cela dit, j’en reviens à l’amour qu’on ressent pour l’œuvre originale et à sa valeur intrinsèque. Ceux-ci font en sorte qu’on ne veut pas trop s’en éloigner. En abordant le nouveau scénario, j’ai même le souci d’aller chercher encore plus de l’œuvre originale, entre autres dans l’incarnation des hommes avec qui les filles couchent et dans la façon d’observer un nouvel univers. Car Deux femmes en or était aussi l’un des premiers regards portés sur ces banlieues en tant que promesse d’une vie parfaite. Il faut trouver son équivalent en 2021. Quelle est la nouvelle promesse du bonheur ? Ce ne sont plus les maisons de Brossard. Est-ce que ce sont les complexes écologiques où les gens apprennent à vivre ensemble ? Peut-être. Chose certaine, je suis encore plus sévère avec moi-même étant donné que je reste cette fois dans la même forme artistique.

Ainsi, adapter une œuvre d’une discipline à une autre, plutôt que de poursuivre dans la même discipline artistique, recèle des implications différentes ?

Oui. Par exemple, même si ce n’est pas moi qui réaliserai le nouveau film, je veux laisser de la place dans le scénario pour qu’on retrouve un peu l’aspect visuel de Deux femmes en or. Quand j’ai adapté le roman La déesse des mouches à feu pour l’écran, il fallait au contraire trouver une nouvelle esthétique. Et pour porter Deux femmes en or à la scène, il fallait se demander comment recréer cette comédie en passant par le dialogue, sans l’aide des gros plans notamment. Il s’agit aussi d’une œuvre qui a été tellement vue, qui a eu un succès fou et qui existe encore dans l’imaginaire collectif, même pour les gens qui ne savent pas tout à fait ce que c’est, qui ne l’ont pas vue. Le titre Deux femmes en or est iconique et, pour moi, ça vient avec une certaine responsabilité. Je sais que le film sera attendu, tandis que sa version théâtrale intrigue davantage. On se demande comment ce film avec de nombreuses scènes et une panoplie de comédiens sera transposé sur scène. Il y aura sans doute une plus grande curiosité et une plus grande ouverture. Au cinéma, les gens s’attendront à des caméos, à des numéros d’acteurs et ainsi de suite. Et ils ont raison… sinon pourquoi ce nouveau long métrage s’appellerait-il Deux femmes en or ?

Quelles qualités, selon vous, doit posséder une bonne adaptation ?

Je pense qu’il doit y avoir un équilibre : les spectateurs doivent pouvoir reconnaître l’œuvre qu’ils aiment, mais on doit en même temps leur proposer quelque chose de nouveau. Il faut que l’incarnation plus récente apporte quelque chose. Si on ne fait que retrouver ce qu’on apprécié de la production originale – à moins que ce soit une œuvre culte comme Harry Potter –, il manque quelque chose. En ce qui concerne La déesse des mouches à feu, le public voulait vivre des émotions fortes. Là où j’ai senti qu’on avait réussi le passage de la page à l’écran, c’est que, même si nous n’avons pas pu tourner, pour des raisons de budget, des scènes iconiques du livre qui, dans un monde idéal, se seraient assurément retrouvées dans le film, les gens sortaient de la salle émus et ils avaient reconnu les personnages. Le fait de recevoir l’œuvre visuellement, avec la beauté de l’univers poétique d’Anaïs Barbeau-Lavalette et la performance des acteurs (en particulier de Kelly Depeault), venait nous chercher au point de vue émotif, et ce, même si on connaissait le roman. En ce sens, on avait remporté notre pari.

Estimez-vous que les écritures scénaristique et dramaturgique soient foncièrement différentes ?

Complètement. Il y a une économie du texte au cinéma et celle-ci est même hyper valorisée. Si on a tendance à en écrire un peu trop, simplement parce qu’on aime les dialogues, on se fait taper sur les doigts, comme si on trichait ou comme s’il fallait faire plus confiance à l’image. Alors que quand on regarde la cinématographie québécoise, on se rend compte que les plus grands films sont abondamment dialogués. Xavier Dolan et Denys Arcand, pour ne pas les nommer, ne boudent pas le dialogue ; ils l’embrassent, au contraire. Ça peut être très fort. Je me bats toujours un peu à cet égard. J’aime les mots, tant au cinéma qu’au théâtre, mais je vois bien, en passant d’une forme à l’autre, que, sur scène, le texte porte l’histoire, les informations, les personnages… il porte tout. Il est donc très différent d’écrire des conversations pour le théâtre et pour le cinéma. En transposant une œuvre scénique à l’écran, on peut se détendre un peu et se dire : ah ! je vais pouvoir montrer le visage d’un comédien pour exprimer une émotion. En revanche, transmettre tous les détails informatifs nécessaires dans un dialogue théâtral qui se veut naturel, c’est tout un défi.

Il peut être complexe d’écrire des scènes de sexualité pour le théâtre et il y en a un certain nombre dans Deux femmes en or. Comment les avez-vous abordées ?

C’est une des principales différences entre la pièce et le film original. Au cinéma, on n’a pas besoin d’expliquer, il y a une plus grande spontanéité. Comme je le disais, tout peut passer par un jeu de regards. Or, il ne fallait pas, dans la pièce, que la tension sexuelle n’apparaisse que quelques secondes avant les rapprochements physiques ; je ne voulais pas mettre le metteur en scène dans cette situation-là. La tension devait commencer dans le dialogue, ce qui fait en sorte qu’il y a une joute de séduction quasi systématique avant les scènes de sexualité. C’était un défi d’écriture que de rendre le tout à la fois léger, drôle et… sexy. J’ai cherché à exploiter différentes dynamiques. Certaines sont plus comédiques ou renvoient même au numéro, au personnage qui débarque dans le récit (tel que le gars du câble qui dit ce qu’il a l’habitude de dire, et, tout à coup, le sexe apparaît, un peu comme une surprise), alors qu’il y a d’autres situations où les filles doivent travailler plus fort pour installer le climat sexuel. J’ai essayé de nuancer en me servant du dialogue, ce qui est un peu en décalage avec notre époque : en général, la sexualité entre étrangers se négocie par textos avant d’avoir lieu. Dans mes textes originaux, je n’ai pas écrit beaucoup de scènes de sexe. J’en parle, mais je ne le montre pas nécessairement. En tant que spectatrice, quand il y a des scènes de sexe au théâtre, je suis gênée.

Pourtant, la sexualité est assez présente dans votre œuvre. Est-ce, pour vous, un pont pour atteindre d’autres thèmes ou cela constitue-t-il un sujet intéressant en soi ?

Pour moi, c’est intéressant en soi, particulièrement quand on allie ce sujet à la comédie. Je trouve souvent les discussions autour du sexe très drôles. Mais il y a aussi des aspects de la sexualité dont on parle peu et dont j’ai eu envie de traiter. Dans Filles en liberté, par exemple, j’aborde la façon dont les personnages féminins sont capables d’avoir du détachement par rapport à leur propre corps et comment elles peuvent elles-mêmes l’instrumentaliser jusqu’à un certain point ; l’une a recours à l’abortion doping (grossesse dopante) pour sa fin de session universitaire, l’autre met sur pied une entreprise de pornographie équitable. Bien sûr, on est dans la surenchère, parce que je veux en faire de la comédie, mais il y a tout de même un certain interdit à utiliser des sujets sérieux comme ceux-là pour en tirer des blagues. L’avortement est certainement un sujet sérieux, mais, pour moi, il a aussi un potentiel comique qu’il est possible d’explorer. Étant une femme, je pense que je suis bien placée pour le faire.

Comme vous abordez implicitement et explicitement des questionnements relatifs aux stéréotypes sexuels et aux différentes attentes liées au genre, considérez-vous que votre œuvre peut être qualifiée de féministe ? Qu’est-ce que ce terme implique selon vous ?

Je veux bien dire que mon œuvre est féministe, j’y aspire, mais, en même temps, je ne veux pas avoir à adopter une écriture pamphlétaire ou à devoir entrer dans un certain cadre. J’ai envie de créer des personnages qui ne sont pas nécessairement constants, pas forcément moraux, qui ont leur propre vision de ce qu’est être féministe ou de ne pas l’être. Dans Babysitter, par exemple, les femmes n’ont pas envie de se définir ainsi. Pas parce qu’elles ne désirent pas l’égalité entre les sexes, mais parce qu’elles n’ont pas envie d’être militantes, d’avoir à porter cette bataille-là. Est-il féministe de dire « Je suis une femme, je n’ai pas envie de prendre part à ce combat, je fais ce que je veux ! » ? C’est peut-être un peu tordu, mais je veux pouvoir créer des personnages qui ne sont pas féministes. Je ne veux pas faire la promotion de quoi que ce soit. Une œuvre artistique n’est pas une thèse. Les personnages nous surprennent parfois. L’un d’eux peut faire quelque chose d’original et ça va m’intéresser ; je me dis qu’il y a sûrement un humain, quelque part, qui a déjà fait ça et on ne l’a jamais vu sur une scène. Je ne peux pas me demander si ça entre dans une plateforme politique. Je ne veux pas avoir de grille à remplir. Les enjeux féministes m’intéressent, j’ai envie de créer des personnages libres – et grâce au féminisme, je peux le faire ! – et, pour ça, j’ai besoin moi aussi d’être libre. Par ailleurs, j’ai l’impression que parler du sexe d’un point de vue féminin, mettre en scène des femmes qui ne correspondent à aucun modèle et les aimer quand même, c’est féministe. En ce sens, Deux femmes en or l’est aussi. Ceci dit, à mes yeux, Filles en liberté est la pièce la plus féministe que j’ai écrite, mais on m’a critiquée parce que mes personnages ne l’étaient pas assez. Pourtant, je veux que ces filles-là aient le droit d’exister, et je veux parler de leurs contradictions. À mon avis, d’une certaine façon, c’est aller dans le vif du sujet. Alors je ne sais pas si j’ai le droit de porter l’étiquette féministe. On me le dira.

 

Les détails et la billetterie du spectacle sont disponibles sur le site Internet du Théâtre La Licorne.

Image d’entête : photo promotionnelle de Deux femmes en or à La Licorne.


14 avril 2023