Les sièges de l’Alcazar
Numéro : 195PAR LUC MOULLET
Jean Collet, un critique travaillant pour le producteur de télé INA, m’avait demandé en 1989 de réaliser un moyen métrage se déroulant dans un seul décor (ça coûtait moins cher).
Je choisis donc une histoire qui se déroulait dans une salle de cinéma, où étaient montrés, au cours de diverses séances, des films de Vittorio Cottafavi. Je montrais les querelles de critiques de l’année 1955, ceux des Cahiers du cinéma et ceux de la revue opposée, Positif.
Comme en 1989 ces batailles étaient ignorées de la majorité, j’avais, pour compenser, exagéré le comportement des personnages, qui devenaient assez ridicules, et amusaient fort les téléspectateurs.
J’y ajoutais des éléments visuels et sonores insolites, les vieux sièges du cinéma qui sont sur le point de se casser, la pellicule que l’on voyait s’enflammer sur l’écran, les films à cadrage traditionnel qui étaient projetés en CinemaScope, la concentration des critiques sur les premiers rangs en principe dévolus aux mômes, les cinéphiles qui se bandaient les yeux pour ne pas voir en première partie du spectacle le film d’un réalisateur détesté, le directeur de la salle qui augmentait le chauffage pour vendre plus d’esquimaux, une tentative de suicide d’un critique dans les W.-C. sordides, un flirt entre un critique et une journaliste de la revue concurrente, style Montaigu et Capulet, la projection qui s’interrompait en cours de plan, l’ouvreuse qui surveillait le placement des clients, comme les places avaient des prix différents.
Le titre était une référence au siège de l’Alcazar de Tolède en 1936 où les Républicains avaient encerclé les Franquistes.
26 juin 2020