Cartoon movie 2020 : au cœur de l’animation européenne.
par Nicolas Thys
Les 4 et 5 mars se tient, pour la quatrième année consécutive à Bordeaux, la 22ème édition du Cartoon movie. Réunion professionnelle incontournable des acteurs économiques du marché européen du cinéma d’animation, l’événement a réuni 950 participants en 2019. Il devrait en voir défiler autant cette année dans les couloirs du Palais des congrès pour écouter les 66 pitchs de longs métrages prévus. Sauf si la paranoïa autour du Coronavirus n’a pas raison la bonne ambiance habituelle puisque ce Cartoon commence sur une petite polémique liée à un mail envoyé par la présidence et annonçant que les distributeurs « asiatiques » (un peu vague) ne seraient pas présents à leur demande sauf les quelques-uns qui « habitent actuellement en Europe ». Ce à quoi certains leur ont expliqué que, vu le nombre d’italiens touchés, un tel mail pouvait paraître surprenant. Comprenne qui pourra…[1]
L’année promet également d’être particulière pour l’événement qui débute sous d’étranges auspices. D’un côté, Le Film français annonçait récemment la création de deux studios présidés par Ron Dyens : Parangon à Strasbourg et Le Studio à Marseille, marqueurs du dynamisme de l’industrie en France. De l’autre, il faut constater le succès relatif de Xilam et la liquidation judiciaire de Prima Linea : deux sociétés importantes dans le paysage cinématographique français, deux conceptions de l’animation et autant d’interrogations pour le futur, notamment en ce qui concerne le public et la rentabilité des œuvres. Xilam, qui vient d’annoncer son intention d’adapter Le Loup, roman graphique de Jean-Marc Rochette, avec Julien Bisaro à la réalisation, surfe sur la réussite de J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin, acheté par Netflix, et détenteur d’un nombre de récompenses conséquents mais qui peine à rencontrer le public avec les 157 000 entrées en salle en France. Sans démériter, cela reste assez faible. Prima Linea n’est, par contre, pas parvenu à concrétiser auprès du public la réussite esthétique de La Fameuse invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattotti et l’apport des diffuseurs n’a pas suffi à les protéger de la faillite. C’est à se demander si, dès lors que les films coûteront plus de 4 millions d’euros – ce qui n’est pas énorme – les productions seront soumises à la loi des plateformes numériques pour poursuivre leur travail.
Au Cartoon movie la France est encore, d’assez loin, le pays de mieux placé avec 29 projets en coproduction majoritaires ou minoritaires au programme. De nombreux producteurs habitués à arpenter du Cartoon seront présents à l’image de Sacrebleu qui présentera Sirocco de Benoit Chieux, Folimage pour Verte tiré de l’ouvrage de Marie Desplechin ou Maybe movie et Ikki films qui viendront pour une adaptation de Métaphysique des tubes d’Amélie Nothomb par Liane-Cho Han. On suivra également attentivement La Légende de Depanurges, long métrage de Franck Dion pour Papy 3D, The Black swallow de Louis Jean Gore pour La Luna production, et le projet de Marine Blin pour Tant mieux prod, adaptation par Delphine Maury de The Hermit and the bear de John Yeoman. Il sera également possible de voir les premières images des très attendus Calamity de Rémi Chayé porté par Maybe movie, et de La Traversée de Florence Milhaile, attendu depuis 2007. Notons aussi la présence de Benoit Delépine qui présentera son premier long animé : Détective croquette produit par La Station.
Second pays en nombre de projets : l’Espagne, avec neuf idées de films. Force est de constater la bonne forme des ibériques qui ont réussi, au cours de la dernière décennie, à mener à bien, seuls ou avec des apports financiers étrangers, des films animés qui ont plutôt bien circulé et remporté de nombreuses récompenses. Ils ont notamment joué la carte des adaptations de bandes dessinées pour La Tête en l’air d’Ignacio Ferreras, Psychonautas d’Alberto Vázquez ou le récent Buñuel après l’âge d’or de Salvador Simó. Mais les idées originales ne manquent pas pour Tad l’explorateur d’Enrique Gato ou L’Apôtre de Fernando Cortizo. Cette année, entre Shkid, sur la vie des enfants dans le camp de Terezin, Girl and Wolf, adaptation par Roc Espinet de son roman graphique ou They shot the piano player, nouveau long animé de Fernando Trueba, qui avait déjà signé Chico et Rita en 2010, ce sera encore un acteur à suivre.
Du côté des autres pays européens, notons la présence de la roumaine Anca Damian pour une comédie musicale déjà présentée l’année passée en concept : The Island, ainsi que de Stefano Bessoni, important illustrateur et animateur de marionnettes italien, pour Les Sciences inexactes, et quelques projets venus de pays souvent moins représentés au Cartoon movie : la Serbie, la Croatie, la Bulgarie ou la Géorgie. Le Luxembourg, mis à l’honneur cette année, ne sera présent que comme coproducteur minoritaire sur deux projets. Hors Europe, le Canada se distingue avec trois coproductions et, pour l’une de leurs premières apparitions à un Cartoon, les Etats-Unis seront associés avec les Français de Foliascope sur The Inventor. Jim Capobianco, animateur et réalisateur chez Pixar (Notre ami le rat) est annoncé à la réalisation, sa première pour une production indépendante.
[1] Pour en savoir davantage, vous trouverez l’incrimination et la réponse des intéressés sur la page FB : @decolonisonslanimation
5 mars 2020